Éditions Sorman

Les élus et responsables communaux sont coutumiers du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables en vertu duquel les flux d’argent public doivent être validés par deux personnes, généralement le maire et le percepteur. Toute personne qui méconnait ce principe cardinal de la comptabilité publique peut être sanctionnée de l’infraction de « gestion de fait », prévue à l’article L. 131-15 du Code des juridictions financières. Elle peut être caractérisée sans même que son auteur ait eu l’intention de la réaliser : il suffit de manier des fonds qui ont le caractère de deniers publics. Il n’est pas rare dans les petites communes, que des associations puissent endosser ce rôle, en particulier celles dites transparentes ou paramunicipales, ou encore celles qui encaissent des recettes sans passer par le comptable (une association en charge de la gestion d’un monument communal et récoltant le tarif d’entrée des visiteurs).
On rappelle que pour caractériser la gestion de fait, il faut que 3 conditions soient réunies : l’utilisation de sommes d’argent, qu’elles constituent des deniers publics, et que celui qui opère ce maniement ne dispose d’aucune habilitation pour l’effectuer. Toute personne qui est dans ce cas peut être qualifiée de gestionnaire ou de comptable de fait par la Cour régionale des comptes ou la Cour des comptes. Les exemples les plus courants de gestion de fait concernent principalement les dépenses, qui nécessitent que le gestionnaire rembourse sur ses deniers personnels les sommes qu’il a indument mises en paiement. Mais ce type de gestion peut également s’appliquer sur des recettes si les sommes récoltées ont pour objectif de financer un bâtiment public ou une activité publique. Ainsi, dans une affaire, une association composée essentiellement d’agents hospitaliers de l’hôpital de Bullion (Yvelines) avait lancé un appel aux dons destinés à la construction et à la gestion de logements proches de l’hôpital destiné à héberger les familles. La Cour des comptes relève que les dons versés provenaient pour l’essentiel de personnes privées qui n’avaient pas eu l’intention de virer les sommes en cause directement à l’hôpital mais simplement de réaliser l’objet social de l’association. Par conséquent, les juges financiers considèrent que les dons ne pouvaient être ni qualifiés de deniers publics par nature, ni par destination. Il en aurait été probablement autrement si l’association les avait fléchés dès l’origine directement afin de participer à la construction de bâtiments publics.
Conseil : lors de la mise en place de cagnottes ou d’appel aux dons, il est important que les acteurs associatifs soient vigilants sur l’indication de leur provenance afin d’éviter de tomber sous le coup de la gestion de fait.

Cour des comptes, n° S-2025-0624, 17 avril 2025.

Romain Boisset le 06 mai 2025 - n°367 de Communes et Associations